Contribution générale déposée dans le cadre du Congrès du Parti Socialiste

Nous sommes entrés dans un cycle de crises aiguës, sanitaire, écologique, économique et sociale. La guerre tue à nouveau sur le continent européen. Cette réalité est une source de profonde inquiétude pour nos concitoyens. L’inquiétude de la fin du mois et de la fin du monde. Pour répondre à ces peurs légitimes, à la colère parfois, notre devoir est de construire une réponse de gauche solide et structurée.

Ce climat anxiogène, très favorable à l’extrême droite et au néoconservatisme, représente un risque réel pour 2027. Lors de la dernière élection présidentielle, le Président a joué un jeu dangereux et irresponsable en évitant de faire campagne sur le fond, en refusant les débats pour préférer un face-à-face avec l’extrême droite. Il cherche aujourd’hui à redessiner une nouvelle géographie politique où il se place au centre et renvoie dos-à-dos l’extrême droite et une prétendue extrême gauche que serait la NUPES.

Face au risque de la régression sociale et démocratique de l’extrême droite, de la loi du plus fort du néolibéralisme de la droite et de l’injustice sociale des politiques conduites par Emmanuel Macron, nous avons choisi le rassemblement avec celles et ceux avec lesquels nous avions le plus de valeurs communes et soutenu, en conscience, l’accord électoral de la NUPES, tout en assumant avec clarté un certain nombre de désaccords notamment sur l’Europe.

Il importe de remettre en marche la boussole et de redéfinir nos valeurs. Il nous faut répondre par des mesures de gauche, écologistes, de justice sociale et de protection, d’autant plus nécessaires quand le risque de déclassement et de précarité est si grand pour nombre de nos concitoyens. Et il nous faut le faire avec radicalité pour être efficaces. Cette radicalité, c’est celle des mesures, qui doivent agir en profondeur, pas celle de la méthode, qui doit s’appuyer sur le dialogue et le rassemblement. Dans une société conflictuelle, il faut une parole apaisée.

Dans ce nouveau monde, nous avons encore beaucoup de sujets à débattre et cette contribution n’est pas un programme exhaustif qui reste à construire collectivement. Ni le regard dans le rétroviseur, ni dans l’affiliation prématurée à qui que ce soit pour 2027, nous voulons rebâtir une nouvelle maison pour les idées de la gauche sociale, écologiste et européenne.

Notre gauche, c’est celle qui affirme résolument un nouveau rapport au monde, au vivant, à l’humain, celle qui ne conçoit pas l’écologie comme la construction d’une oasis verte à l’écart du bruit et de la fureur du monde. Il n’y aura pas d’oasis dans le désert. L’écologie sera sociale ou ne sera pas.

Face aux conséquences du dérèglement climatique, toujours plus destructrices et meurtrières, àla biodiversité qui s’effondre et à nos concitoyens contraints de vivre dans un monde toujours plus pollué, nous sommes déterminés à agir tant qu’il est temps. Il en va de la possibilité même d’habiter notre planète.

Une bifurcation est encore possible, si nous nous mobilisons dès maintenant, pour changer de modèle. Cette bifurcation ne peut être une injonction exclusive aux petits gestes individuels. Bifurquer, c’est repenser en profondeur l’aménagement du territoire, en luttant contre l’artificialisation des terres. C’est revoir nos habitats, nos déplacements, nos modes de production et de consommation, en particulier en assurant à chacun une alimentation de qualité. C’est anticiper de possibles pénuries d’eau. C’est organiser la bascule de l’énergie vers le renouvelable et la décarbonation de notre économie. C’est réinventer un nouveau modèle d’industrie locale dont le cycle de vie des produits serait entièrement repensé.

Des investissements massifs seront nécessaires. Tout comme un plan Marshall a permis la reconstruction de la France et de l’Europe de l’après-guerre, il sera impératif de créer des fonds d’investissement « vert », à toutes les échelles, locale, nationale et européenne, qui sortent du cadre de la dette et des pactes financiers. Osons de nouvelles approches économiques, fiscales et juridiques pour massifier rapidement !

Cette bifurcation écologique n’aura de sens que si elle est juste socialement et s’accompagne d’une refondation sociale qui place concrètement l’égalité au fondement de notre pacte républicain.

Face aux inégalités qui explosent dans notre pays, face aux crises qui les aggravent, nous sommes déterminés à ce que la puissance publique joue pleinement son rôle. Il ne suffit pas de proclamer l’égalité pour qu’elle existe, il faut en assurer les droits concrets : droit à l’assurance chômage et à la retraite, droit à des salaires qui permettent d’en vivre, droit à un logement digne et abordable, droit au soin, droit à une éducation de qualité, de la maternelle à l’enseignement supérieur, droit à l’accessibilité universelle pour les personnes en situation de handicap.

Le fameux ruissellement n’a pas eu lieu. Il y a toujours plus de travailleurs pauvres dans la nouvelle économie uberisée, mais aussi dans les secteurs essentiels, comme l’agriculture ou le soin. Nous devons répondre à cette injustice insupportable en redonnant de la valeur au travail, en premier lieu des salaires dignes pour les travailleurs indépendants et pour les salariés, notamment grâce à un mécanisme de limitation des écarts de salaires, comme demandé par la Confédération Européenne des Syndicats.

Plus que jamais, dans cette période de crises, il est impératif de maintenir un filet social fortement protecteur pour celles et ceux qui ont basculé dans la précarité, les personnes au RSA, les familles monoparentales, très largement des femmes qui élèvent seules leurs enfants et qui se débattent pour concilier travail et enfants, les personnes à la rue, pour lesquelles le gouvernement a supprimé 14.000 places d’hébergement d’urgence malgré ses promesses, les réfugiés auxquels nous devons un accueil digne.

Protéger, c’est aussi garantir la sécurité de toutes et tous, en particulier des plus vulnérables qui sont exposés aux violences grâce renforcement des moyens de la police nationale et de la justice. Mais aussi en mettant en place une déontologie renforcée pour une police républicaine, respectée et respectueuses, soumise à une instance de contrôle indépendante.

Protéger, c’est aussi prendre soin de la santé, de la naissance au grand âge, c’est reforger une politique sanitaire globale, dotée de moyens conséquents au rebours de la logique gestionnaire aujourd’hui à bout de souffle. C’est lutter contre la multiplication des déserts médicaux dans les campagnes comme dans les villes. Osons refonder le contrat entre la Nation et ses médecins, par la régulation de l’installation des professions médicales, mesure juste et efficace pour porter un coup d’arrêt aux inégalités grandissantes d’accès aux soins.

Se donner l’ambition de l’égalité, c’est bien sûr renouer avec la promesse d’égalité de l’école, de la maternelle à l’enseignement supérieur, en osant impliquer tous les collèges, où se cristallisent les inégalités, publics comme privés sous contrat, dans la sectorisation, et distribuer les moyens en fonction de la composition sociale du public.

Cultiver l’égalité, c’est également transmettre le goût de l’apprentissage, de la culture et de la pratique des arts, c’est promouvoir cette France qui appuie l’émancipation individuelle et collective sur une action publique volontariste, soutient la liberté de création et accroît l’accès de toutes et tous à la culture.

Tous ces services publics doivent être financés par une fiscalité juste, par une réforme de l’impôt sur le revenu, une autonomie fiscale redonnée aux collectivités. Pour favoriser une meilleure répartition entre les revenus du travail et ceux du capital, il faut supprimer la flat tax et rétablir l’ISF.

Garantir l’égalité, c’est enfin mettre un terme aux discriminations et violences sexistes, racistes, antisémites ou homophobes. L’égalité réelle ne se décrète pas ; elle se vit au quotidien si nous savons lutter efficacement contre toutes les discriminations qui assignent des millions de nos compatriotes dans des impasses sociales, économiques.

La laïcité doit être la garante du respect de toutes et tous. Elle n’est pas une loi de contrôle mais de liberté, qui ne doit pas masquer les inégalités et les discriminations qui minent le pacte républicain, pacte qui considère le citoyen sans autre référence identitaire.

Nous devons garantir aux femmes le droit de disposer de leur propre corps en inscrivant l’IVG dans la constitution, et mettre enfin les moyens sur la table, évalués à un milliard par an, pour prévenir, former des professionnels, de santé, de justice et de police, et accueillir les femmes victimes de violence dans des lieux dédiés.

Face à la baisse globale d’investissement dans les services publics qui touche tous les territoires et abîme le pacte républicain, face aux fractures qui traversent notre pays, nous sommes déterminés à promouvoir une démocratie apaisée qui privilégie l’écoute et le dialogue à tous les échelons.

La gauche social-écologiste se bat au nom de l’intérêt général, pour toutes et tous, dans tous les territoires de la France métropolitaine et d’Outre-mer, avec une attention particulière assumée en direction de toutes celles et ceux qui se sentent relégués, qu’il s’agisse de l’exploitant agricole qui ne se verse même pas un SMIC, à l’étudiant du quartier populaire d’une grande ville qui livre des repas à vélos pour payer ses études, à la mère célibataire qui, à la périphérie d’une ville moyenne, roule d’un ménage à l’autre en se demandant si sa voiture passera le prochain contrôle technique.

Et pour être au plus près des besoins des territoires, osons raviver la flamme de la décentralisation en refondant les liens entre l’État et les collectivités sur quatre principes : la confiance, l’autonomie, les libertés locales, mais aussi l’alliance des territoires, avec de nouvelles coopérations dans tous les domaines stratégiques. Cette échelle d’action doit aussi être un lieu de renouveau de démocratie participative comme les conventions citoyennes locales, les référendums locaux, ou encore des budgets dédiés.

Parallèlement, les ambitions de l’Union européenne doivent être renforcées. Nous ne transigerons pas sur notre engagement européen, pas plus que nous ne transigerons sur sa nécessaire réorientation sociale et écologique. Et pour garantir sa sécurité, la France doit se maintenir dans ses grandes alliances atlantique et européenne. En même temps, dans ce monde globalisé, régi par de multiples réseaux d’interdépendances mondiales, les coopérations Nord / Sud doivent être amplifiées. C’est le seul moyen de répondre aux défis écologique, économique et sanitaire.

Face au nombre croissant de citoyens qui se détournent de la politique et du vote, parce qu’ils ne se sentent ni représentés, ni écoutés, osons dépasser et réinventer le parti socialiste en un Rassemblement de la gauche social-écologiste européenne qui devienne un pôle de réflexion, de combat et d’action et qui affiche l’ambition de fédérer une majorité de Françaises et de Français autour d’un projet alternatif de gouvernement, un parti plus proche des luttes sociales et écologiques locales ainsi que des préoccupations de chacun, plus représentatif et démocratique, un parti d’éducation populaire.

Nous proposons d’ouvrir à toutes et tous des états généraux de la gauche social-écologiste européenne, et en premier lieu aux formations politiques qui peuvent se reconnaître sur cet axe, aux militants, syndicalistes, porteurs de causes, engagés, ou tout simplement volontaires pour apporter leur pierre à l’édifice.

Dès les élections européennes de 2024, nous proposons que la gauche social-écologiste se présente unie sur une même liste. Ce sera la première étape du processus d’élaboration d’une plate-forme pour la présidentielle de 2027 et de la mise en place d’un mode de sélection ouvert de celle ou celui qui portera les espoirs de la gauche.